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Parlons alimentation

Connaître la viande pour mieux la sublimer

Pour privilégier la consommation d’une viande de qualité, et pouvoir la sublimer en cuisine, encore faut-il savoir ce qui, dans les produits carnés, provoque un plaisir gustatif. Précisions de deux spécialistes.

Les beaux jours pointent doucement le bout de leur nez. Avec eux, on peut l’entendre : l’appel des grillades et des longs repas en extérieur. Pour beaucoup de Français, ces réunions en famille ou entre amis riment bien souvent encore avec le partage d’une pièce de viande de bonne qualité gustative autour d’une plancha ou d’un barbecue. A quoi cela correspond-il, comment choisir une viande de belle qualité, et comment la rendre encore plus appétissante ? C’est à ces questions que répondent le chef étoilé Clément Bouvier, ainsi que Stéphane Milleret, son boucher, spécialiste de la viande bovine exerçant à Chambéry.

Français sur 10 ont cuisiné au barbecue ou à la plancha durant l’année 2022. 97% d’entre eux y ont fait cuire de la viande. (1)

Selon une récente étude

Quels éléments dégagent de la viande du plaisir sensoriel ?

Comme chaque aliment, la viande – qu’elle soit porcine, ovine ou bovine – présente des propriétés sensorielles qui provoquent des sensations de plaisir lorsque l’on en consomme. Il y en a quatre : sa couleur, sa flaveur (son goût et son odeur), sa jutosité et sa tendreté. A noter que la qualité de cette dernière dépend des goûts de chacun. « Au restaurant, certains de mes clients aiment avoir beaucoup de mâche dans leur morceau de viande, quand d’autres affectionnent une pièce particulièrement tendre », indique le chef Clément Bouvier.

Le gras c’est la vie ? Pour la viande de bœuf tout du moins, il semblerait que oui. « Le gras est vecteur de goût, affirme le chef. Lors de la cuisson, le gras va fondre et nourrir le produit, cela lui ajoute de la tendreté et de la saveur. »

Mais la flaveur d’une pièce carnée ne dépend pas seulement de son taux de gras. D’abord, le goût dépend de l’animal et de sa race. Le temps de maturation du produit joue également un rôle décisif. « Les viandes qui ont le plus de saveur ont été maturées, c’est-à-dire qu’elles ont eu un temps de repos pouvant aller de vingt à cent-cinquante jours, indique Clément Bouvier. La maturation permet de réguler le taux d’humidité de la viande pour la rendre encore plus tendre. »

Enfin, le goût dépend aussi de son assaisonnement. Pour cela, le plus important est de ne pas ajouter de poivre avant la cuisson, et de poivrer au dernier moment, conseille le chef. Sinon, l’épice risque de brûler et de donner une autre saveur au plat. A l’inverse, on sale la viande avant qu’elle ne soit saisie.

Outre sa texture et son parfum, la jutosité du produit ajoute au plaisir gustatif de la dégustation. Plus une viande sera juteuse, plus elle sera humide, tendre, et agréable à manger. « Je ne conseille donc pas d’utiliser une cuisson sous-vide – qui fonctionne pourtant bien pour les viandes blanches – pour une viande bovine, car elle en extrait tout le jus, ajoute le chef. Une viande rouge vidée de son sang n’a plus de goût lors de la dégustation. »

Un bon plat vient d’un produit de qualité

Un processus de production qui respecte l’animal

Pour obtenir une telle saveur et tendreté, il n’y a pas de secret, la viande doit être de bonne qualité, c’est-à-dire être élevée puis abattue dans le respect de l’animal. « Quand la bête a été élevée sainement et respectée du début à la fin de la chaîne, tous ses morceaux seront gustativement bons, rappelle le boucher Stéphane Milleret. » Ici, peu importe la race : bien que certaines espèces de viande bovine, plus nobles, apporteront des typicités particulières, ce qui prime, c’est le mode d’élevage. « Pour preuve, la jutosité de la pièce bovine sera intimement liée à son alimentation et à son hydratation, qui se doivent d’être le plus naturelles possible, affirme le boucher. De même, la tendreté de la viande ne se joue pas uniquement lors de la cuisson, elle se joue dès le départ, lors de son élevage. »

Mesurer la qualité d’une viande avant l’achat

Lors de l’achat d’une pièce de viande, les Français accordent une grande importance aux labels origine nationale et produits biologiques

Selon une étude publiée en 2021. (2)

Ces attributs ont une importance dans la qualité et le plaisir gustatif de la viande. « Pour choisir sa viande en supermarché ou parmi la sélection de notre boucher, ces labels sont un gage de qualité, on sait que leur production est suivie et règlementée », commente Clément Bouvier. Selon lui, le label origine France est une bonne boussole à suivre lors de l’achat. « En France, la plupart des vaches vivent en extérieur et ont de grands espaces de liberté », explique-t-il. Les céréales françaises ajoutent également de la qualité à leur alimentation, et donc à la nôtre. »

Le chef invite également à prêter attention à l’aspect visuel du produit. « Pour choisir une côte de bœuf ou une viande rouge par exemple, on fait attention à ce qu’elle ait une belle couche de gras, qu’elle ait une belle apparence avec une couleur rouge – sans tomber dans le rouge vif », préconise-t-il.

Mais ne confondons pas qualité avec pièce de noblesse. Aujourd’hui, certaines parties de la viande autrefois mises de côté reviennent sur le devant de la scène. « C’est le cas par exemple de la queue ou de la langue de bœuf, ou encore des rognons de veau, constate le chef. La queue de bœuf fonctionne bien en bouillon et en plat mijoté ; on grille les rognons au feu de bois… Il suffit qu’ils soient bien préparés pour qu’ils deviennent de beaux produits. »

Sublimer son produit en cuisine


Dernière étape, les fourneaux ! Car pour mettre en avant une viande de qualité, la technique de cuisson est évidemment décisive. « Si la cuisson est réussie, le plat est réussi ! », lance le chef. A noter que les différentes méthodes de cuisson de la viande – mijotée, rôtie, poêlée ou encore au barbecue – lui donneront toutes un autre goût.

A chaque pièce de viande son mode de cuisson

Chaque pièce de viande a un mode de cuisson qui lui est adapté, et l’usage de chacune des pièces est important. « Dans le bœuf, la partie arrière est plus noble et on privilégiera donc des cuissons rapides pour les filets et faux filets par exemple, conseille le boucher. Pour ce qui est de la partie avant – le paleron, le collier, le jarret… ce sont des morceaux que l’on fera plutôt bouillir ou braiser, qui nécessitent généralement une cuisson longue. »

Pour qu’une viande ait une belle coloration extérieure et intérieure après la cuisson, elle doit reposer le temps qu’elle se détende avant d’être cuite délicatement, ajoute le chef étoilé. « Pour une pièce carnée que l’on saisit, il faut l’assaisonner avec un peu de sel avant de la saisir à feu vif de tous les côtés, décrit-il. La viande se tend, parce qu’elle passe de trois ou cinq degrés dans le réfrigérateur à une haute température. C’est pour cela qu’on la laisse reposer pendant environ vingt minutes afin qu’elle se détende, avant de la cuire doucement à chaleur moyenne. » De son côté, la viande mijotée doit être démarrée dans un sautoir, et être déglacée au vin blanc ou rouge pour obtenir une sauce avec les sucs, qui apportent encore plus de goût au plat, précise Clément Bouvier.

Le conseil recettes du chef pour sublimer une viande de bœuf

Afin de faire ressortir toute la qualité d’une viande rouge, le chef confie deux de ses modes de préparations favoris : le tartare et l’entrecôte. « Une bonne côte de bœuf ou une entrecôte révèlent au mieux le goût du produit, soutient Clément Bouvier. Si une côte de bœuf de qualité est grillée à la plancha ou au barbecue, tranchée simplement, elle est tellement onctueuse et pleine de goût qu’il n’y a même pas besoin de sauce pour l’accompagner. »

Le tartare, quant à lui, est un plat parfait pour les beaux jours, qui se sert accompagné de frites et de salade. « On le prépare à l’huile d’olive, avec un peu d’échalotes, des herbes, une pointe du jus de citron, deux ou trois zestes de citron vert, une petite goutte de tabasco, du sel et du poivre, suggère-t-il. Le tartare doit être bien taillé, pas trop finement, avec de beaux petits morceaux pour qu’il y ait de la mâche. »

De ces quelques conseils, on retiendra le plus important : pour déguster au mieux les plats carnés chers à l’Art de vivre français, il faudra porter une attention à leur provenance, à leur assaisonnement ainsi qu’à leur méthode de cuisson. Nos viandes cuisinées n’auront plus jamais le même goût !

SOURCES :

  • Selon l’étude « Les Français et le barbecue » menée par le groupe BVA et publiée en mars 2023. Étude BVA/Weber réalisée par Internet en novembre 2022 avec un échantillon représentatif de 1400 Français âgés de 25 ans et plus. (Lien vers les résultats de l’étude : https://www.bva-group.com/sondages/les-francais-et-le-barbecue-2/ )
  • Selon une étude internationale ayant observé les préférences de consommation de viande rouge (bœuf, agneau et chèvre) dans sept pays européens : la Finlande, la France, la Grèce, l’Italie, l’Espagne, la Turquie et le Royaume-Uni. 2900 réponses ont été recueillies. Les résultats ont été publiés le 20 février 2021 dans la revue Animals. (Lien vers l’étude : https://www.mdpi.com/2076-2615/11/2/556 )