Image d'illustration

TENDANCES ALIMENTAIRES

Tout savoir sur le jeûne et le jeûne intermittent

Le jeûne et le jeûne intermittent sont deux pratiques tendance dans l’alimentation. Comment les pratiquer et sur quelle durée ? Quels bienfaits, mais aussi quels risques présentent-ils ? Décryptage par un médecin nutritionniste et un naturopathe spécialiste du jeûne.

Chaque année, de nombreux Français à la recherche de détoxification décident de faire un jeûne. Certains optent pour la version plus souple et accessible : le jeûne intermittent. Contrairement au jeûne strict, qui implique une restriction totale de l’alimentation sur une période donnée, le jeûne intermittent alterne des périodes de jeûne avec des périodes d’alimentation classique.

Si beaucoup d’informations existent sur ces pratiques, il reste pourtant difficile de trier le vrai du faux, notamment de savoir comment s’y prendre et avec quel objectif. On fait le point pour jeûner sans courir de risques.

Deux spécialistes ont répondu aux questions de Meatlab : Romain Vicente, naturopathe responsable du centre de cure « La pensée sauvage », auteur de deux ouvrages : Vivre pleinement le jeûne et Je jeûne (1) ; et le Dr Alexandra Dalu, médecin nutritionniste, auteure de L’assiette santé (2).

Le jeûne strict et le jeûne intermittent consistent à ne plus s’alimenter ou en tout cas à s’alimenter moins que d’habitude sur une période de quelques heures à plusieurs jours. Le jeûne intermittent peut se décliner sous plusieurs formes.

Les modèles les plus courants sont le 5:2, pendant lequel on mange comme à notre habitude pendant 5 jours et on limite nos calories pendant deux jours non consécutifs) ; ou le 16/8, où l’on alterne une phase où l’on mange – qui dure 8 heures – et une phase pendant laquelle on ne mange pas – d’une durée de 16 heures. « C’est en quelque sorte l’exploration du jeûne nocturne que l’on fait tous, toutes les nuits », lance Romain Vicente. « Le jeûne intermittent va nous permettre d’amplifier ce temps de repos digestif qu’on devrait avoir tous les jours. »

Le jeûne strict, quant à lui, peut durer entre 1 et 10 jours, pendant lesquels on aura une forte restriction calorique, en s’hydratant uniquement avec des boissons non sucrées (eau, thé, bouillon, café non sucré). « Si un jeûne dure plus de 10 jours, il n’est plus préventif mais thérapeutique, et nécessite un encadrement médicalisé », avertit le naturopathe.

« Si l’on sent qu’il y a une journée un peu difficile mentalement, on peut par exemple prendre un jus dilué ou du miel, en tout cas prendre quelque chose qui va nous réconforter et nous permettre de progresser tout doucement, sans frustration, sans à-coups, dans le jeûne », préconise-t-il.

Attention, quel que soit le type de jeûne que l’on s’apprête à faire, il convient avant tout de prendre rendez-vous avec son médecin traitant, afin de vérifier si la pratique ne représente aucun danger pour notre santé.

Pratiquer le jeûne : l’importance de la préparation

Si les feux sont au vert, un jeûne ne se démarre pas non plus sur un coup de tête, et il est fortement recommandé de se faire accompagner. Pour le spécialiste du jeûne, un seul mot d’ordre : la douceur. Cela signifie d’abord de ne pas négliger ni la « descente alimentaire » ni la « reprise alimentaire », périodes durant lesquelles on enlève (lors de la descente) et on réintroduit (lors de la reprise) étape par étape, des catégories d’aliments à notre alimentation.

« La descente est une période de préparation qui doit durer au moins le même nombre de jours que notre jeûne, précise Romain Vicente. Si l’on jeûne pendant une semaine, on effectue une préparation d’une semaine, pendant laquelle on enlève progressivement les « excitants » de notre alimentation, suivi des aliments très riches. Les derniers jours avant de jeûner, il ne reste plus que les fruits et légumes. » Après le jeûne, la reprise alimentaire doit également s’effectuer un nombre de jours équivalents.

Jeûner en douceur signifie aussi être à l’écoute de notre ressenti et de notre corps pendant toute la période de notre retraite. Chaque matin, le naturopathe invite à se demander si l’on se sent en forme, si l’on a envie de continuer le jeûne et si l’on ne ressent pas de frustration. « Si l’on sent qu’il y a une journée un peu difficile mentalement, on peut par exemple prendre un jus dilué ou du miel, en tout cas prendre quelque chose qui va nous réconforter et nous permettre de progresser tout doucement, sans frustration, sans à-coups, dans le jeûne », préconise-t-il.

Pratiquer le jeûne intermittent : quels aliments choisir ?

Lorsque l’on choisit le modèle du jeûne intermittent sous la forme 16/8, l’alimentation que l’on a pendant les 8 heures ne doit pas être négligée. « Surtout, il ne faut pas l’associer en plus à un régime, prévient Romain Vicente. C’est dangereux parce qu’en supprimant une catégorie d’aliments, on risque de ne pas avoir suffisamment d’assimilation, de créer des pertes en vitamines et des carences. »

On s’assure donc d’avoir une alimentation variée, comprenant environ un tiers de céréales complètes, un tiers de fruits et légumes de saison, et un tiers de protéines. Pour ces dernières, on pourra choisir entre une viande blanche (sans la peau), une viande rouge maigre 1 à 2 fois par semaine, un poisson (cuit à la vapeur de préférence), un poisson gras 1 fois par semaine, des œufs, du tofu, ou encore des protéines végétales. Sans oublier d’opter pour des aliments de bonne qualité nutritionnelle.

Si certains vantent le jeûne comme ultime solution à une alimentation saine, il est important de le nuancer. « Tout dépend de la définition que l’on donne au jeûne qui normalement est défini par l’abstinence d’apport alimentaire et de boisson, ce qui ne correspond donc pas à une alimentation saine, indique la médecin nutritionniste Alexandra Dalu.

Toutefois, il existe des jeûnes courts où l’apport de bouillons de légumes et d’eau peuvent améliorer l’état digestif – si ce que l’on mange habituellement à nos repas n’est pas approprié à une santé optimale. » Si l’on se nourrit d’aliments ultra transformés, de boissons sucrées, de viennoiseries, et que l’on met son corps en jeûne, il n’est pas étonnant que l’on se sente mieux.

Cependant, si l’on a pris l’habitude de manger varié, frugale, que l’on a une bonne digestion et un bon sommeil, que l’on ressent notre faim physiologique et la satiété… le jeûne n’apportera selon le docteur pas de grand changement à notre rythme déjà bien équilibré. « En revanche, ce que jeûner nous rappelle dans nos sociétés d’abondance, c’est qu’on a tous besoin de moins et mieux manger et évidemment de plus bouger, argue-t-elle. On devrait reprendre le proverbe : un petit-déjeuner de roi, un déjeuner de prince, un dîner de pauvre. »

« Jeûner peut nous permettre de progressivement réintroduire une alimentation plus saine, plus raisonnée et variée à notre mode de vie, comme une remise à zéro du métabolisme », estime de son côté le naturopathe Romain Vicente.

Encore faut-il le voir comme ça, et ne pas prendre un jeûne d’une semaine comme une excuse pour manger malsain le reste de l’année. « Le jeûne est un tremplin pour des changements ultérieurs. Ce n’est pas une fin en soi, il ne va pas tout transformer, rappelle-t-il. En revanche, il peut, pour certains, être un puissant moyen pour changer fondamentalement nos habitudes ; mais derrière il faut réellement le faire. »

« Le jeûne n’a rien de miraculeux, et n’améliorera pas à lui seul notre état de santé, souligne toutefois le docteur Alexandra Dalu. Et si on le pratique dans le seul but de maigrir, on a tout faux. » Mais alors, quels intérêts présentent ces méthodes ? « D’un point de vue médical, le jeûne met le travail de digestion de l’intestin au repos et offre un temps de réadaptation et de renouvellement cellulaire global afin de booster l’immunité et le métabolisme de l’organisme, explique-t-elle.

Le microbiote se régénère pour donner un bouclier antioxydant au corps. » Il peut donc être indiqué pour les périodes post fêtes, post diners copieux, où l’on mange beaucoup plus que d’habitude ou tout simplement dès que l’on sent que sa digestion ralentie. Selon la médecin nutritionniste, une restriction calorique telle que le propose le jeûne intermittent (manger moins et mieux) peut être intéressante pour réajuster nos comportements alimentaires, et notamment pour ressentir à nouveau notre faim physiologique.

« Un corps qui fonctionne bien vous dit quand il a faim, quand il est rassasié et quand il a envie de jeûner, précise la spécialiste. Si ce n’est plus le cas, le jeûne intermittent peut éventuellement aider à renouer avec ces sensations. »

En mangeant moins pendant une période donnée, le corps va puiser dans ses réserves de protéines, de sucres et de graisses : c’est ce qu’on appelle l’épargne protéique. « Le corps va effectuer une adaptation métabolique et se transformer au niveau de l’utilisation énergétique et du système hormonal », affirme Romain Vicente.

Résultats ? On observe une augmentation de l’énergie et une amélioration des facultés cognitives et de l’état émotionnel. « Jeûner, c’est s’accorder un temps de retraite, un temps pour se retirer et revenir à soi, ajoute-t-il. Dans beaucoup de centres, on va marcher et on va méditer. Les bienfaits sont donc, au-delà du champ physique, de l’ordre du bien-être émotionnel. »

Mais jeûner n’est pas fait pour tout le monde. Le jeûne et le jeûne intermittent présentent plusieurs contre-indications qu’il est essentiel de prendre en compte, insiste le docteur Dalu. Certaines catégories de personnes ne devraient pas du tout jeûner en raison de leurs besoins nutritionnels spécifiques : c’est le cas des femmes enceintes et allaitantes, des enfants et des personnes âgées de plus de 75 ans, plus à risque de dénutrition et de déshydratation.

La pratique n’est globalement pas recommandée pour les personnes en mauvaise santé. De manière générale, toutes pathologies nécessitant une surveillance constituent une contre-indication relative. Attention, le jeune strict est contre indiqué pour les diabètes de type 1 et à éviter pour les personnes souffrant de troubles du comportement alimentaire. Le jeûne est un choix personnel avant tout et il est, dans tous les cas, nécessaire d’effectuer un bilan médical au préalable.

« Il y a des personnes qui ont la nécessité absolue d’avoir une stabilité alimentaire, conclut Dr Alexandra Dalu. Seul un docteur peut décider si un jeûne est sans risque pour un patient, et cela se fait au cas par cas. » Tout dépend enfin du choix de la retraite qui pratique le jeune, il convient notamment de s’assurer de son sérieux et de son encadrement.

  1. Romain Vicente est l’auteur des livres Vivre pleinement le jeûne et Je jeûne, aux éditions Eyrolles.
  2. Alexandra Dalu est l’auteure du livre L’assiette santé, aux éditions Flammarion.