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VIANDE & NUTRITION

L'alimentation à l'herbe des animaux

Les consommateurs éprouvent un intérêt grandissant pour les méthodes de production des aliments, et notamment pour leur viande. Bien-être animal, juste rémunération des éleveurs, transparence de l’origine et impact écologique figurent désormais parmi leurs critères lors des achats. L’alimentation à l’herbe combinée au pâturage semble aujourd’hui être une solution pour répondre à cette demande.

Depuis une dizaine d’années, l’alimentation à l’herbe des animaux est de plus en plus plébiscitée tant par les consommateurs, que par les éleveurs et les industriels. Après plusieurs crises agroalimentaires, elle apparaît comme un retour à un élevage traditionnel, plus en accord avec la nature et le bien-être animal. Si cette alimentation animale tend à être la norme, certains hésitent à passer le pas.

Comment systématiser cette pratique pour répondre aux enjeux écologiques, économiques et éthiques auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui ? Pour y répondre, trois spécialistes de l’Institut de l’Élevage (IDELE) nous expliquent ses avantages et inconvénients.

Comment et pourquoi l’herbe et le pâturage sont devenus des pratiques de plus en plus courantes en France et en Europe ?

La nécessité de comprendre l’alimentation des animaux pour comprendre ce qu’il se trouve dans nos assiettes

Pâturage, fourrage, ensilage… Ces termes ne vous sont pas inconnus, mais il vous serait peut-être difficile de les définir. Pourtant, chacun d’entre eux représente une partie de la nutrition animale, et par conséquent, de la nôtre. Et pour comprendre la qualité d’une viande, il faut en connaître un peu plus sur son alimentation et ses conditions de vie.

Mais alors, qu’est-ce que le pâturage et pourquoi parle-t-on d’alimentation à l’herbe des animaux ? Le pâturage est simplement un terrain couvert d’herbes fourragères (pré, prairie ou parcours) dans lequel le bétail va brouter. L’alimentation à l’herbe représente 60 % des aliments d’un animal tout au long de sa vie (et 80-90 % dans les régions herbagères) et est complétée le plus souvent de céréales et de maïs.

« Au cours de sa vie, l’animal alterne des phases de bâtiment et d’extérieur, il va pouvoir consommer l’herbe directement sur pied ou sous forme conservée » (enrubannage, foin, ensilage…), explique Sylvie Brouard, responsable de projet viande bovine chez Institut de l’élevage (IDELE).



L’alimentation des animaux varie donc en fonction des saisons et des régions. « De temps en temps, l’herbe a besoin d’être complétée par des aliments plus riches en énergie car ça ne suffit pas à certaines périodes de la vie d’un animal », ajoute Sylvie Brouard.

Ainsi, aux beaux jours, un animal mangera l’herbe du pâturage, tandis que lorsque les températures deviennent trop basses ou au contraire trop élevées, il ira se protéger des éléments dans l’étable et consommera de l’herbe de fourrage (foin, luzerne…). Cependant, attention à ne pas confondre pâturage et alimentation à l’herbe ; il arrive que certains animaux nourris à l’herbe ne soient pas autorisés à paître à l’extérieur.

L’évolution des exigences des consommateurs en matière d’élevage des animaux

Aujourd’hui, les Français se montrent attentifs à l’origine et la qualité de la viande qu’ils consomment. Pourtant, pendant longtemps, les consommateurs n’étaient pas au fait des méthodes d’élevage. Cet intérêt récent porté aux méthodes de production, ce sont les crises agroalimentaires qui l’ont suscité.

Mais pourquoi avoir modifié l’alimentation des animaux initialement ? Comme le souligne Sylvie Brouard, « les ruminants sont des animaux herbivores. Leur intérêt, c’est de pouvoir valoriser des ressources non-consommables par l’Homme et l’herbe en est une », étrange donc de les nourrir avec d’autres aliments.

Pour comprendre cela, un détour historique s’impose. Dans les années 60, avec l’avènement de l’élevage intensif et pour répondre à une demande croissante, certains éleveurs se sont tournés vers une alimentation à base de céréales en complément ou en remplacement du pâturage pour favoriser un engraissement plus rapide.

Aujourd’hui les consommateurs, ayant gagné en connaissance et en maturité sur leur alimentation sont beaucoup plus attentifs à tout ce qui touche à l’amont dans le monde agricole, ayant compris que des animaux bien nourris et bien traités sont le gage d’une alimentation plus saine.

Afin de retrouver la confiance des consommateurs, des éleveurs ont mis en place une Charte des bonnes pratiques d’élevage en 1999. La charte a été actualisée à plusieurs reprises depuis sa création afin de prendre en compte les évolutions de la réglementation ainsi que les attentes des consommateurs. Une dernière version de la charte vient d’être réalisée en 2022 et porte principalement sur le bien-être animal et l’environnement.

Répondre aux enjeux actuels en changeant les habitudes d’élevage

Œuvrer pour l’environnement en participant à un élevage plus raisonné

Aujourd’hui, l’élevage est pointé du doigt pour son impact sur l’environnement. En cause : sa production de gaz à effet de serre (dont le méthane), de nitrate et d’ammoniac… Mais, le pâturage dans les prairies naturelles ou permanentes (semées depuis plus de 6 ans) combiné à un élevage bio plus raisonné permet de limiter ces conséquences environnementales.

« C’est surtout sur ses contributions environnementales que la viande à l’herbe est intéressante », confirme Mathieu Velghe, chef de projet en évaluation environnementale. Car outre sa production de viande et de lait, ce type d’élevage présente en effet plusieurs atouts.

On estime, par exemple, que les élevages bovins laitiers nourris essentiellement à l’herbe (à 90 %) perdent 2 fois moins d’azote que les exploitations avec plus de 30 % de maïs par exemple. Pour rappel, la fixation de l’azote gazeux est essentielle à la croissance des légumineuses fourragères. Ce sont ainsi 120 à 300 kg d’azote atmosphérique par hectare et par an qui sont fixés par les prairies riches en légumineuses.

Autre point : les champs d’herbes sont aussi des puits de carbone. L’herbe des prés capte le carbone de l’air par la photosynthèse et le stocke dans le sol sous forme de carbone organique. On retrouve ainsi un stock de 85 t C/ha sous la prairie permanente, légèrement plus que sous une forêt tempérée (81 t C/ha). Enfin, le pastoralisme est aussi un moyen écologique de lutter contre les incendies, de protéger les sols contre l’érosion ou encore de limiter les inondations et les avalanches.

« Autre élément important : la contribution à la biodiversité. Dès que l’on a des systèmes à base d’herbes, de prairies permanentes, ces surfaces accueillent différents éléments (des haies, des arbres, des tourbières, des mares…) qui hébergent beaucoup de biodiversité »

Mathieu Velgh

On estime à 32 le nombre moyen d’espèces végétales différentes dans une prairie permanente. Ce chiffre peut atteindre 100 espèces dans des prairies très diversifiées.

Produire une viande de meilleure qualité dont les nutriments sont d’autant plus essentiels

De nombreuses études ont montré que l’alimentation animale influence la qualité nutritionnelle d’une viande. Les régimes riches en herbe vont par exemple favoriser la présence d’acides gras essentiels : les Oméga 3.

Des études cliniques réalisées par l’association Bleu-Blanc-Cœur, reconnue d’intérêt nutritionnel par le Ministère de la santé, démontrent que la teneur en acides gras essentiels Oméga 3 est 3 fois plus élevée dans la viande provenant d’animaux presque exclusivement nourris à l’herbe contrairement à une alimentation trop riche en céréales ou en ensilage de maïs.

De même, on a observé que la viande d’herbivores qui pâturent développe une forte teneur en vitamine E, qui est un antioxydant et dont la quantité est alors augmentée de moitié. « La nature est bien faite. L’herbe est plus riche en acide gras oméga 3[NJ1] , mais aussi plus riche en antioxydants qui protègent cet acide gras polyinsaturé de l’oxydation », détaille Jérôme Normand.

Par ailleurs, « avec une finition à l’herbe, les rations sont moins énergétiques et donc on aura des viandes un peu plus maigres, à peu près 30 % de moins », explique Jérôme Normand. «On apporte moins de lipides, ce qui va dans le sens des attentes diététiques des consommateurs, mais on joue sur des quantités très faibles : on passe de 3 à 2 % de lipides » ajoute-t-il. Précisons toutefois que la race, l’âge et le sexe de l’animal influencent aussi la teneur en graisse de la viande.

Enfin, au-delà de la valeur nutritive, certaines personnes préfèrent le goût de la viande d’un animal nourri à l’herbe. « Quand on fait tester des viandes par des jurys d’experts pour caractériser l’odeur ou la flaveur de la viande, il est assez souvent dit qu’avec une finition au pâturage, les viandes ont des odeurs et flaveurs plus pastorales », indique Jérôme Normand. « Mais il n’est pas certain que le consommateur fasse une différence », précise-t-il.

Ainsi, l’alimentation à l’herbe combinée au pâturage permet de répondre à de nombreux enjeux actuels. Économique d’abord, car les éleveurs auto-produisent plus de 90 % de l’alimentation nécessaire à leurs animaux et deviennent dès lors autosuffisants.

Éthique, car élever un animal en plein air contribue à son bien-être, un critère devenu primordial pour les consommateurs. Et enfin écologique, car malgré le fait que ce type d’élevage ne soit pas encore bénéfique à l’environnement, il tend toutefois à réduire un maximum son impact sur la planète.

SOURCES :

INRAE – Quelques idées fausses sur la viande et l’élevage

CHARAL – Le bonheur est dans le foin

IDELE – Elevage bovin et environnement – Les chiffres-clés

IDELE – Les chiffres clés des prairies et parcours en France