Nous connaissons tous l’expression empreinte de nostalgie « C’était mieux avant ». Un sentiment grandissant que nous appliquons aujourd’hui à notre alimentation tout comme à nos modes de production, de plus en plus controversés.Pour sa 5e édition 2021 de la MeatLab Charal, la marque ouvre le débat sur cette question : en matière d’alimentation, c’était mieux avant, vraiment ?
Ce qu’il faut retenir
- 74% des Français estiment que la vie était mieux il y a 50 ans. En matière d’alimentation, ils sont 46% à le penser.
- Une perception qui reste subjective et qui est légèrement faussée par notre mémoire. Cette dernière présentant un biais de positivité, elle nous conduit à nous souvenir préférentiellement d’événements positifs et à enjoliver notre passé.
- Concernant l’offre alimentaire, non, ce n’était pas mieux avant car on n’a jamais aussi bien mangé. L’industrie alimentaire et les produits évoluent positivement pour répondre aux enjeux sociétaux propres à chaque période.
- Non, tout n’était pas mieux avant car la production agricole et l’élevage se sont beaucoup améliorés. L’intensification est remise en cause au profit d’une transition agro écologique où environnement, traçabilité, sécurité, qualité, éthique et bien-être animal sont au cœur de toutes les préoccupations.
- Aujourd’hui, l’image de l’alimentation et de l’agriculture en France continue de s’améliorer. Demain, toutes les acteurs de la filière alimentaire doivent converger vers une transition alimentaire : une prise compte plus forte de notre planète de la santé humaine et du bien-être des animaux.
Étude consommateur sur l’approche du « C’était mieux avant » par OpinionWay
L’étude menée par l’Institut OpinionWay pour la MeatLab Charal a abordé la notion du « c’était mieux avant ». Un focus a été apporté sur l’alimentation, au travers de 4 générations : génération Z (18-21 ans), génération Y (22 à 40 ans), génération X (41 à 56 ans) et baby-boomers (57 ans et plus).
Ce qu’il en ressort :
- D’une manière générale, les Français ont une vision plutôt pessimiste de la vie d’aujourd’hui : pour 3/4 d’entre eux, la vie « c’était mieux avant » ! Un sentiment partagé par toutes les générations.
- En ce qui concerne l’alimentation, ils sont 46 % à estimer que « c’était mieux avant ».
- Près de 2 sur 3 ont moins confiance dans leur alimentation aujourd’hui.
- Cette perte de confiance est surtout marquée chez les baby-boomers (73%) qui ont une vision beaucoup plus dégradée de l’alimentation d’aujourd’hui, principalement sur les effets sur la santé, le goût, l’authenticité et le temps accordé aux repas.
- A contrario, la génération Z a une vision plus positive de la qualité de ce que l’on mange et sont les plus optimistes quant à l’alimentation d’aujourd’hui, tout comme les CSP+.
- Néanmoins, les Français s’accordent sur des points d’amélioration : une plus grande diversité (69 %), une possibilité de manger des produits exotiques (73 %), la praticité (65 %) et une meilleure sécurité & traçabilité (63 %).
- Quoi qu’il en soit, 83 % des Français accordent de l’importance à leur alimentation au quotidien. Et les premières préoccupations des Français sont des notions très hédonistes: le goût (72 %), la qualité du produit (68 %) et la dimension plaisir (66 %), et ce pour toutes les générations.
Découvrez l’intégralité de l’étude OpinionWay en cliquant ICI
Comment notre mémoire fonctionne-t-elle ? Comment impacte-t-elle notre perception ?
« Dans le quotidien, dans le présent, on va plutôt retenir les émotions négatives car elles sont généralement perçues comme plus fortes en intensité » explique Francis Eustache, spécialiste de la mémoire. Ce que rapportent les Français dans le sondage ce sont des impressions subjectives et la perception est schématiquement plutôt négative puisque dans le présent, nous sommes plus sensibles au négatif qu’au positif.
En revanche, notre mémoire présente un biais de positivité. Lorsque l’on regarde vers le passé, on a tendance à édulcorer et à fabriquer une narration positive de nous-même et de notre monde.
« Ça nous fait du bien de penser au passé comme un moment positif, ça nous aide à être battant pour l’avenir. C’est très important de considérer la mémoire comme ce grand vecteur qui nous permet de voyager dans le temps et de nous donner l’énergie vitale pour nous projeter dans le futur. »
Ce biais de positivité se renforce avec l’âge. « Plus on avance dans le temps, plus on a tendance à voir notre monde et notre passé de façon positive, d’où cette tendance à dire davantage que c’était mieux avant lorsque l’on vieillit. »
Lorsque l’on s’intéresse à l’alimentation, il y a les aspects objectifs de l’alimentation, et il y a les représentations de l’alimentation et des modes de vie autour du repas. On voit au-delà du prisme du besoin physiologique. L’alimentation est une valeur refuge, synonyme de réconfort, de plaisir, de partage.
Enfin, il y a aussi en ce qui concerne la mémoire, d’un point de vue anatomique, un lien direct entre l’alimentation et l’émotion.
« L’olfaction et la gustation sont des sensorialités très particulières car les structures cérébrales qui les sous-tendent sont directement connectées avec les régions du cerveau qui traitent les émotions, notamment l’amygdale. Cette dernière est en prise directe avec les l’hippocampes, responsables de la mémoire.» explique Francis Eustache.
« La fameuse madeleine de Proust en est d’ailleurs le meilleur exemple »
Quelles évolutions de notre consommation ?
Sur la partie offre produits, clairement non, ce n’était pas mieux avant !
En matière de sûreté alimentaire, selon Philippe Goetzmann, consultant en consommation, « l’alimentation en France est probablement la plus sûre (avec celle du Japon) au monde ». Le risque létal a été divisé par 100 en 60 ans. Sauf des cas d’intoxication alimentaire extrêmement rares, on ne risque plus aujourd’hui de s’empoisonner en mangeant en France.
Les Français n’ont jamais eu accès à une offre aussi large et d’aussi bonne qualité. Le développement de l’industrie et de la grande distribution, très critiquées aujourd’hui, a permis l’accès à l’ensemble des Français à une offre extrêmement large et variée à un prix acceptable. Dans les années 50 toutes les couches de la population n’avaient pas accès à la viande, et beaucoup de Français ne consommaient que les bas morceaux.
La connaissance a fait évoluer les normes sanitaires, les process de production, les méthodes de conservation et a amenés à faire mieux. L’organisation de la filière alimentaire a également permis des avancées techniques et technologiques comme le surgelé ou encore le lait UHT, assurant l’innocuité contrairement au lait de ferme. L’amélioration des circuits logistiques et des systèmes informatiques a permis de raccourcir les temps de livraison et d’accéder à des produits dits « ultra-frais ». Désormais, les produits alimentaires sont plutôt des produits frais au détriment des produits d’épicerie. « Depuis une quinzaine d’année, on observe une prise du pouvoir du frigo sur le placard ! ».
Par ailleurs, les efforts déployés chez les industriels et les distributeurs depuis une dizaine d’années pour améliorer les recettes, la composition des produits, réduire les additifs sont colossaux. « L’ensemble de la filière fait des progrès considérables sur la qualité des produits. A ce niveau, c’est clair, ce n’était pas mieux avant »
Cependant du côté des pratiques alimentaires, c’est moins évident…
D’abord, la taille des ménages a fortement baissé. Au quotidien, on ne s’alimente plus de la même manière et le repas s’est individualisé devenant de plus en plus fonctionnel pour beaucoup de gens.
« Les pratiques alimentaires ont beaucoup bougé et ne sont pas toujours des choix délibérés mais la conséquence des modes de vie des Français. On les subit par des effets d’environnement », précise Philippe Goetzmann.
Plus généralement, la compétence cuisine est largement en perdition. Or, elle est importante pour la compréhension de la chaîne alimentaire. C’est une des clés du problème de défiance des consommateurs vis-à-vis de leur alimentation. Par ailleurs, le recours aux scores, aux systèmes de notation peut être dangereux, car on leur délègue notre confiance. C’est une forme de manipulation de notre conscience, les scores décidant à notre place et amenant parfois à des erreurs de jugement.
Pour autant, selon Philippe Goetzmann, « il y a une prise de conscience et une volonté de réappropriation de l’alimentation. On se réapproprie la cuisine et le repas sous l’angle du plaisir ».
Quelles évolutions de notre production ?
D’après Anne-Charlotte Dockès, de l’Institut de l’Elevage « concernant l’agriculture et les pratiques agricoles, avant de répondre si c’était mieux ou moins bien avant, on peut dire en tout cas que c’était extrêmement différent ».
Le monde de l’agriculture et de l’élevage a connu de grandes transformations profondes.
La révolution sociale
D’abord, une révolution sociale, avec le passage d’une population agricole majoritaire à une population très minoritaire. Aujourd’hui, l’agriculture emploie moins de 4 % de la population active contre près d’un 1/3 en 1950.
Les grandes mutations de l’agriculture et de l’élevage
Après la 2nd guerre mondiale, l’agriculture et l’élevage se sont profondément transformés :
- D’abord la révolution agricole des années 1960-1990 a bouleversé les façons de produire, avec une augmentation de la productivité du travail et une spécialisation des exploitations agricoles : un éleveur produit 50 % de viande en plus qu’il y a 20 ans ! Malgré l’agrandissement de la taille des troupeaux, l’élevage français est resté à taille humaine, avec en moyenne 65 vaches laitières par élevage. À la sortie de la guerre, l’objectif partagé et soutenu par l’état était de nourrir la population et de fournir une alimentation peu chère avec des produits de haute valeur nutritionnelle tels que les produits animaux : « L’intensification de la production agricole et de l’élevage : c’était vécu comme un progrès !».
- Années 80 : C’est le début de la controverse sur l’agriculture et l’élevage intensif, notamment avec la question des taux de nitrates dans les eaux. Un programme de maîtrise des pollutions d’Origine Agricole se met alors en place.
- 1996 et surtout 2000 : la crise de la vache folle constitue une rupture majeure, aussi bien pour le monde de l’élevage que pour la relation entre élevage et société.
« La filière s’organise et met en place un système rigoureux de traçabilité des animaux et des pratiques, ainsi qu’une charte des bonnes pratiques d’élevage. La consommation reprend, la confiance est restaurée pour l’essentiel, mais les controverses, révélatrices d’incertitudes, ne cesseront plus », explique Anne-Charlotte Dockès.
- 2006 : publication d’un rapport de la FAO sur les émissions de gaz à effet de serre liés à l’élevage. Les filières s’engagent dans des démarches pour progresser en optimisant les pratiques : optimisation de l’alimentation des animaux avec l’utilisation d’herbe et de légumineuses, stockage de carbone dans le sol des prairies et des haies. « Aujourd’hui, 25 000 élevages ont réalisé un diagnostic Carbone et s’engagent dans l’optimisation de leurs pratiques afin d’économiser de l’ordre de 20% sur leur bilan carbone ».
- Années 2000 et 2010 : la question du bien-être animal prend de plus en plus d’importance. Si l’accès à l’extérieur pour les animaux est fortement attendu par les citoyens, il est déjà largement en place : plus de 97 % des vaches races à viande pâturent.
Une transition agroécologique est en œuvre…
« La transition agroécologique vise à proposer de nouveaux modèles, plus durables, satisfaisant aux attentes des citoyens et permettant aux éleveurs d’en vivre », résume Anne Charlotte.
Comme par exemple, une augmentation de l’autonomie alimentaire et protéique des élevages, qui est aujourd’hui de 85 % dans des élevages de vaches à viande. L’augmentation de la part d’herbe et de pâturage dans l’alimentation des animaux est l’une des autres principales attentes des citoyens : l’herbe représente aujourd’hui 80 % de la ration d’un élevage de bovins à viande.
D’autres ingrédients font partie de cette transition, comme le développement de filières de qualité. « De nombreuses entreprises du secteur de la viande s’engagent également dans des démarches qui garantissent au consommateur une certaine durée de pâturage, comme Charal avec sa gamme de produits “élevés au pâturage”. »
Toutes ces évolutions ne seront possibles que si les éleveurs peuvent bénéficier d’une juste rémunération qui tienne compte de leurs coûts de production. « Nos concitoyens ont conscience des efforts que font les agriculteurs et considèrent qu’aujourd’hui, c’est mieux qu’avant… et moins bien que demain ! »
Notre alimentation, c’était mieux avant ?
5ème édition Meatlab Charal
Le compte-rendu intégral est disponible ICI
L'alimentation, c'était mieux avant ?
5ème édition Meatlab Charal