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PODCAST

Mangera-t-on encore français demain ?

Enjeux géostratégiques, viabilité pour les agriculteurs, accessibilité pour les consommateurs… Les sujets de friction ne manquent pas quand il s’agit d’évoquer l’origine de l’alimentation des Français.

Dans ce nouvel épisode de MeatLab, Christophe Duhamel, cofondateur de Marmiton, reçoit Philippe Goetzmann, consultant en grande consommation et agroalimentaire pour explorer cette thématique.

Le défi de l'approvisionnement local

Remplir son panier uniquement de produits d’origine France serait-il devenu un casse-tête ? À moins de se passer de café ou de fruits exotiques, pas facile d’opter pour une alimentation 100 % française. Et si dans nos grandes surfaces les produits frais affichent fièrement leur origine France, à l’instar de la viande qui est très majoritairement issue de nos régions, il est plus difficile de tracer l’origine des produits transformés et de la viande servie dans la restauration.

« Si on prend l’exemple de la volaille, plus de la moitié de la volaille que nous consommons en France est importée, notamment par le biais de la restauration et des produits transformés », commente Philippe Goetzmann.

Les préférences des consommateurs

Réalisée en avril 2024 pour Charal, l’étude OpinionWay révèle que 7 français sur 10 (67 %) vérifient systématiquement l’origine des produits alimentaires qu’ils achètent – davantage chez les 65 ans et plus (77 %). Des chiffres qui confirment que le critère de confiance devient déterminant en matière d’alimentation. Mais comme le souligne Philippe Goetzmann, plus que l’origine France, c’est la dimension locale qui aujourd’hui séduit le plus, toutes les catégories de consommateurs confondues.

Privilégier des aliments origine France rassure les Français, comme le confirme 88 % des participants à l’étude. D’une part parce que la production nationale reste un gage de qualité, selon 83 % des enquêtés, mais aussi parce que c’est un moyen de soutenir des savoir-faire et des emplois de proximité.

Le défi du pouvoir d'achat

Il faut cependant noter que dans un contexte de pouvoir d’achat tendu, l’enjeu n’est pas de manger 100 % français, mais de faire en sorte que l’État et les filières se mobilisent pour produire en France à moindres frais. « On peut avoir la volonté de manger français. La réalité, c’est qu’aujourd’hui, faire ses courses avec uniquement des produits d’origine France reste quand même plus cher que des produits importés », constate Philippe Goetzmann

Définition et importance

Question remise sur le devant de la scène pendant la crise du covid, le concept de souveraineté alimentaire se prête depuis à de multiples interprétations. Selon Philippe Goetzmann, la souveraineté alimentaire ne consiste pas à viser l’autarcie et à produire tout ce que nous consommons, mais plutôt à choisir et maîtriser nos dépendances.

La souveraineté alimentaire, c'est produire essentiellement en France tout en choisissant parfois de ne pas produire sur notre sol et d’importer. Elle implique donc notre capacité à choisir nos importations afin de ne pas être dépendant de telle ou telle source qui nous serait imposée.

Durabilité et souveraineté

La souveraineté alimentaire de la France est essentielle, parce qu’elle nous garantit de ne pas être dépendants d’une chaîne d’approvisionnement impactée par une crise sanitaire, géopolitique ou climatique. Mais dans un contexte d'urgence climatique, la souveraineté alimentaire doit également avoir un caractère durable.

« Avec l’augmentation de la population mondiale et les problèmes de changement climatiques, le problème de la raréfaction de la ressource va se poser d'ici à quelques années », constate Philippe Goetzmann, « C’est pour cela que la question de la durabilité est extrêmement importante et qu’il est primordial que la France redéveloppe sa souveraineté alimentaire ».

ProduitsOrigineChiffres
YaourtFrance97 % du lait consommé est produit et transformé en France.
Huile de colzaFranceLa France est l’un des plus gros producteurs de colza et d’huile de colza en Europe.
Feta AOPImportationDepuis 2002, la feta AOP est exclusivement produite en Grèce.
Farine de bléFranceAvec 35 à 40 millions de tonnes de blé produites par an, les 5 millions de tonnes nécessaires pour la meunerie sont couverts.
Steak haché (viande bovine)FranceLa viande bovine vendue en supermarché provient à 90 % de France.
Sources : Souveraineté Alimentaire, FranceAgriMer ; FAO Stat ; Intercereales.com ; Syndilait ; Infographie Capital
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viande française

L’enquête Opinion Way s’est intéressée aux motivations qui poussent les consommateurs à manger français. Une majorité des sondés affirme choisir une alimentation 100 % française avant tout pour soutenir le savoir-faire et les emplois en France, ou encore l’agriculture française.

Impact environnemental

Réduire son empreinte carbone s’impose aussi comme un argument pour bon nombre d’entre eux. Enfin, nombreux sont ceux qui considèrent que c’est aussi une manière de perpétuer et valoriser le patrimoine.

Si manger local réduit indéniablement l'empreinte carbone, il faut cependant veiller à ne consommer des aliments produits en France de manière forcée. Des fruits cultivés sur le sol français dans des serres chauffées afficheront par exemple un bilan carbone peut-être bien pire que si ces mêmes fruits étaient importés d’un pays ensoleillé.

Impact culturel

L’impact d’une alimentation 100 % française est donc indéniable sur l’environnement, mais également sur l’économie et notre culture. Soutenir le savoir-faire et les emplois en France, c'est souligner l’importance des artisans et des industriels de la filière alimentaire française qui apportent une valeur ajoutée unique au monde. Un savoir-faire qui relève de notre patrimoine culturel.

« Le choix d’une alimentation française permet de perpétuer et de valoriser nos recettes, c’est-à-dire notre patrimoine. […] À l’heure de la dilution des savoir-faire français, notre manière de nous alimenter mérite que l’on se mobilise », conclut Philippe Goetzmann.